mercredi 2 décembre 2015

Amor de Dominique Forma


Présentation (éditeur)
Maximilien est professeur d'économie, Camille est responsable culturelle. Ils ont un petit garçon. Très amoureux l'un de l'autre, ils ont une conception joyeuse et inventive de la sexualité. En vacances sur la Côte d'Azur, ils font la connaissance de Viviane, une jeune fille qui vend de l'artisanat indien sur la plage. Entre eux, c'est le coup de foudre. Maximilien et Camille accueillent Viviane dans leur lit. Elle s'invite dans leur vie...

Ce que j'en pense
Cela faisait un moment que je tournais autour des polars de Dominique Forma, et c'est par Amor que j'ai commencé. C'est un véritable coup de coeur pour moi. N'allez pas penser que je fais un parallèle incongru, mais le sujet aurait pu se prêter à un traitement hyper psychologique et sur le mode thriller, comme dans La fille du train, lu il y a quelques mois. Au lieu de cela, Dominique Forma fait le choix du roman noir et de l'épure, pour mon plus grand bonheur. 
Oui parce qu'il n'y a pas un mot ni un chapitre de trop dans ce roman. Moins de 300 pages, et il n'est pas besoin de plus. La fin semblera abrupte à certains, moi je l'ai trouvée superbe de sobriété. Et de toute façon, après le début fracassant (si typique du noir dans ce qu'il a de meilleur), pourquoi s'étendre? Tout est dit. 
C'est le roman noir que j'aime: une écriture sobre, efficace, mais jamais sèche. Dans la façon d'évoquer ses personnages, en particulier Maximilien, j'ai trouvé des échos de Manchette (celui du Petit Bleu ou du Tireur couché): sans ironie mais sans empathie, le récit évoque cet homme qui court après la reconnaissance, le succès, après quelque chose qu'il ne peut avoir, évidemment. Le parallèle avec Manchette semblera peut-être stupide ou inapproprié, mais tant pis. 
C'est aussi le roman noir que j'aime parce qu'il a une dimension sociale, politique, évidente, dans tout ce que ça a de meilleur. Rien de pesant, rien de didactique, mais un démontage des mécanismes qui agissent les personnages. Ceux qui pensent qu'Amor est une sordide histoire de triolisme réduisent le roman à une petite affaire. Ce qui se joue entre le couple et la jeune femme qui fait irruption dans leur vie et dans leur lit est éminemment politique; se rejoue un rapport de classes que le couple bien né ne saura pas surmonter. S'ils font partie des dominants, ils sont peut-être les plus aliénés, incapables de dépasser leurs préjugés de classe, terrifiés à l'idée de sortir de leur zone de confort. Le lecteur est libre de trouver Viviane dérangée, mais elle est peut-être simplement amoureuse...
C'est enfin le roman noir que j'aime dans la construction: on retrouve ici un procédé fréquent mais toujours efficace et intrigant quand il est bien utilisé - et c'est le cas ici -, un début qui constitue en quelque sorte la dernière scène de l'intrigue, par laquelle nous sommes informés que toute l'histoire que nous allons lire va droit dans le mur et dans la tragédie. Dans Amor nous ne savons pas qui a fait quoi et pourquoi, mais le pire est certain. 
Quant au triolisme, parlons-en, ou plutôt parlons du sexe dans le roman de Dominique Forma. Souvent, le polar explore la sexualité des personnages sur le mode criminogène ou machiste, suscitant de ma part deux types de réactions: "beurk" ou "mais oui bien sûr, mon pauvre ami". Je généralise à outrance et suis injuste, vous vous en doutez... Mais je veux souligner à quel point Dominique Forma écrit bien les scènes de sexe: elles sont à la fois crues, explicites et délicates, je n'ose dire "jolies" parce que ce serait un qualificatif idiot. Mais pour avoir lu récemment un polar consternant dont je ne vous parlerai même pas par charité pour son auteur (et pour vous!) avec une scène de sexe ridicule et bourrée de clichés (on bourre avec ce qu'on peut), je l'affirme avec véhémence: Dominique Forma a un talent fou pour évoquer la sexualité et le plaisir. 
Voilà: dans mes rares lectures de ce terrible novembre, Amor a brillé comme un diamant noir, oui, parfaitement! Maintenant m'attend Hollywood Zéro, mais mon stock de romans étant plus vaste que le Pacifique, je ne sais quand je le lirai. 

Dominique Forma, Amor, Rivages Thriller, 2015. 

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