samedi 7 février 2015

Top of the Lake par Jane Campion


Présentation
Robin est enquêtrice en Australie, spécialisée dans le traitement des affaires impliquant des enfants. Elle est de retour dans sa petite ville de Nouvelle-Zélande car sa mère se meurt d’un cancer. Ce retour sur les lieux de son enfance est douloureux: son père s’est noyé dans le lac jadis et elle-même a été victime d’un viol collectif, adolescente. Une fillette de douze ans manque de se suicider dans ce même lac, et il s’avère qu’elle est enceinte et refuse de parler. La police locale fait appel à Robin pour ses compétences. Peu de temps après, la fillette disparaît. 

Ce que j’en pense
J’ai pris mon temps pour regarder Top of the Lake, série lente et contemplative, série chargée aussi en émotions. Bien sûr, si vous attendez d’une série qu’elle vous étourdisse par son rythme, passez votre chemin, mais ce serait dommage, car c’est l’une des oeuvres télévisuelles les plus fortes qu’il m’ait été donné de voir. 
Jane Campion livre une série réalisée avec un soin remarquable, une véritable oeuvre, chaque plan est somptueux et rien n’est laissé au hasard. Certes, les paysages de ce coin de Nouvelle-Zélande sont magnifiques, mais c’est avant tout son regard qui magnifie tout. C’est d’une beauté sidérante, tout simplement. La bande-son est également très travaillée, l’habillage musical et les quelques morceaux qui accompagnent les épisodes sont en rupture totale avec ce que nous infligent trop de séries actuellement, notamment aux Etats-Unis, où l’on oscille entre musique de blockbuster soûlante à souhait et néo-folk niaise et bêlante. Ici tout est subtil, sobre et pourtant bouleversant. 
Les interprètes sont tous impeccables, de l’héroïne aux pires salauds. Elizabeth Moss est renversante, dans ce mélange de détermination et de doute, de puissance et de fragilité, dans sa complexité tout simplement. Thomas M. Wright, dans le très beau rôle de Johnno, est également très convaincant, il intervient d’abord comme un personnage un peu ambivalent, fils du caïd local, mais donne rapidement à son personnage une belle complexité; Johnno réussit par la force du jeu du comédien et du scénario à être à la fois très sombre et lumineux, et c’est à mon sens le seul personnage masculin positif. Très abimé, il est en rupture avec le milieu familial, mais n’est pas non plus un de ces chevaliers blancs à la noix comme on nous en sert trop souvent. 

Je ne vais pas égrener tous les noms d’acteurs, tous sont magnifiques, mais il faut quand même dire quelques mots de la très jeune Jacqueline Joe qui joue Tui. Elle partage beaucoup avec Robin, l’héroïne, et la très jeune fille qui l’interprète réussit elle aussi à donner à son personnage une force extraordinaire, presque effrayante, tout en lui laissant cette part d’enfance irréductible. 

Le scénario est complexe à souhait et pourtant d’une clarté impitoyable. C’est du noir, assurément, par les motifs traités et surtout par le ton de l’ensemble, sombre, tragique, mélancolique, rageur aussi. Seule une péripétie m’a peu surprise, mais il y a ensuite un retournement, sans tambour ni trompette, un des seuls qui soient réconfortants. Vous ne comprenez rien à ce que je raconte? C’est normal! (regardez la série, nom de zeus!)
C’est une des plus belles séries sur la domination masculine. La violence faite aux femmes est partout, et gare aux hommes faibles… L’homme est un prédateur pour l’homme et surtout pour la femme. Du viol collectif de Robin adolescente à l’abus sexuel subi par Tui (mais par qui? chut…), du machisme tristement ordinaire de la police à la bestialité de la famille Mitcham, de la solitude des femmes réfugiées à Paradise à la misogynie conjugale quotidienne, tout est traité avec beaucoup de force et de simplicité, avec beaucoup de subtilité aussi. It’s a men’s world, sauf à Paradise, communauté de femmes étrange et fascinante, refuge de femmes blessées et qui enfin peuvent être elles-mêmes… N’allez pas penser que ce soit une série pour nanas, pas du tout, et l’élément masculin du foyer apprécie tout autant que moi cette série (faut dire que mon homme est un féministe comme peu le sont). 

La série se clôt de manière satisfaisante. J’ai beaucoup lu de remarques sur les questions laissées en suspens et je redoutais une fin très ouverte, mais ce n’est pas le cas. J’en ressors bouleversée, comblée et je sais que je reverrai cette très belle série… 

Jane Campion & Gerard Lee, Top of the Lake, BBC Two, Sundance Channel, UKTV, Australie, Nouvelle-Zélande, Etats-Unis, 2013. 6 épisodes (60 minutes). 

Disponible en DVD (Arte Editions). 

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