samedi 15 mars 2014

La muraille de lave de Arnaldur Indridason


Présentation
La « muraille de lave » est une falaise de basalte noir très dangereuse, qui cause de nombreux accidents. C'est également le nom donné au siège social d’une banque aux pratiques spéculatives tout aussi dangereuses... Alors que le commissaire Erlendur est toujours absent, Sigurdur Oli enquête sur un chantage qui se transforme en meurtre et qui va l'amener à la muraille de lave.

Mon avis
Je ne sais pourquoi, j’avais délaissé Indridason, alors que c’est un auteur que j’apprécie beaucoup. La première fois que j’ai lu un de ses romans, j'ai pensé à Mankell (à cause du personnage principal), mais j’ai vite préféré Indridason. Les intrigues de Mankell me semblaient trop souvent tirées par les cheveux (j’ai peu aimé La Muraille invisible) et les parutions désordonnées en France m’horripilaient (tantôt le père de Wallander était mort, tantôt il ne l’était pas…). Et puis Indridason étire moins les choses, ses romans sont courts, secs, et j’aime ça. Enfin, contrairement à beaucoup de lecteurs, j’ai aimé qu’il éclipse son héros pour se concentrer sur d’autres membres de l’équipe ; d’abord cela évite la lassitude, ensuite cela épargne au lecteur l’héroïsation outrancière du personnage de l’enquêteur. Bref, alors que sort Le duel, je me suis dit que j’avais bien du retard sur la série, et j’ai attaqué et dévoré La muraille de lave. Cette fois, il adopte le point de vue du peu sympathique Sigurdur Oli, dénué d’empathie, parfois limite idéologiquement. Et c’est une excellente idée ! Il est un tantinet borné, c’est un tâcheron mais son côté laborieux en fait un assez bon enquêteur. Pas d’intuitions fulgurantes chez lui, oh que non, mais un acharnement qui finit par payer. De plus, on découvre l’histoire personnelle et familiale de ce type ordinaire, ce qui le rend touchant.
Pendant un long moment, on se dit que l’intrigue est policière mais qu’il n’y a pas de dimension sociale, et pourtant, il n’en est rien. Indridason introduit tout en finesse un constat sans concession sur l’Islande et son fol élan capitaliste et spéculatif. Il a écrit ce roman juste après le déclenchement de la crise islandaise et nous montre des spéculateurs qui jouent avec le feu dans un mélange de cynisme et de crétinerie aveugle effarant. Plus on avance dans le roman, plus la charge est forte.
Et il y a l’art de trousser les intrigues, parfaitement maîtrisé par Indridason ; tout se complique, mais finalement le crime est banalement simple, humainement ordinaire, parce qu’il n’y a pas besoin d’imaginer une résolution abracadabrantesque.
C’est donc un roman noir sans temps mort, parfaitement construit, au propos acéré sur le monde comme il va (mal).

Arnaldur Indridason, La muraille de lave (Svörtuloft), Métailié Noir, 2012. Traduit de l’islandais par Eric Boury. Publication originale : 2009. Disponible en Points Policier.


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